Des fois tu as l'impression qu'il te suit. Il marche derrière toi, se cache au coin d'une rue lorsque tu te retournes. Tu lui manques tellement... Comment peut-on t'oublier, ne plus vouloir te voir, te parler, ne plus vouloir de toi? Tu fais attention à ta démarche, tu fais attention à ce que tu fais, où tu vas, comment tu te comportes. Tu deviens quelqu'un qui lui plairait, quelqu'un de parfait pour lui. 

C'est le jour où tu rentres et où tu oublies qu'il est comme ton ombre que tu le rencontres. Pas lui, quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui aime ta démarche, ce que tu fais, où tu vas, comment tu te comportes. Quand il n'est plus derrière toi. Quelqu'un qui aime qui tu es au moment où tu es toi. 

Et puis l'ombre disparaît, et tu marches à côté de lui.

Jusqu'au prochain coucher de soleil, le zénith est ton amoureux.

Certaines choses ne s'inventent pas. Tu peux bien t'imaginer des amis, créer de toute pièce un amour parfait, rêver à toutes ces fêtes auxquelles tu pourrais aller. Mais qui sera là quand tu seras seul, quand les spectres qui te rendent visite la nuit, quand tu fermes les yeux ou bien dans le bus, quand tu attends ton arrêt ou que tu n'écoutes plus le cours, s'évanouiront? Personne.

Certaines choses ne s'inventent pas. Tout simplement parce que la seule volonté ne suffit pas. Tu entends toutes ces filles parler de leurs petits-amis, comme ils sont parfaits, comme parfois ils le sont moins. Tu vois partout des photos de leur bonheur, leurs commentaires, ils font clairement partie d'un monde où tu n'as pas ta place. Toutes ces photos qui scintillent comme autant d'étoiles inaccessibles. Leurs fêtes, leurs rires, leurs petites histoires, tu les envies tellement.

Mais certaines choses ne s'inventent pas. Peu importe l'amour que te porte cet être sans visage, celui qui apparaît dès lors que ton cerveau se déconnecte de la réalité. Tu ne sentiras jamais ses bras autour de tes épaules, son souffle sur ta nuque, sa voix, tu ne l'as même jamais entendue. 

Il faut s'ouvrir, il faut cesser de rêver la vie et vivre la réalité. Parce que vivre le rêve, ce ne serait que retarder un peu plus l'échéance. Non, rien n'est enviable chez l'autre, parce que l'autre, pour peu que tu avances un pas après l'autre, l'autre, l'autre c'est toi.

“Leur santé est normalement excellente. Elles ont une grande vitalité et surtout une volonté de vivre, de continuer leur tâche sans jamais se plaindre. Elles sont peu sensibles à la fatigue et d'une grande sobriété.”

Someone lui a demandé d'attendre au parking. À plusieurs minutes de marche. Elle préfère qu'il sache pas exactement où elle vit : on est jamais trop prudente, n'est-ce pas ? Elle a mis sa plus belle robe. La seule, en fait. A acheté une paire de collant, car tout ce qu'y avait chez elle était troué. Elle porte des bottes empruntées à une amie. Si cette nana savait pour quoi, quelle crise elle ferait.

Someone a pas pu aller plus loin dans l'histoire. Trop compliqué, trop long, trop clair encore dans sa mémoire. Elle préfèrerait avoir du mal à se souvenir, avoir des blancs, des passages d'amnésie. Elle se rémémore trop bien tout. Trop. Finalement, elle continue. Ils sont allés dans un hôtel. Dans l'ascenseur, piqûre de rappel, y avait les prix affichés. Une centaine d'euros. La nuit. Une seule. Comme pour elle.

SFR est pas méchant, pas hideux. Il est juste un peu plus vieux que son père. Plus vieux que les garçons qu'elle fréquente normalement. Someone a pas besoin de lui ou de son argent. Elle le fait parce qu'elle l'a déjà fait et qu'un billet appelle un autre billet. Elle arrive même à dire où l'argent disparaît. Elle a pas l'impression de vivre dans le luxe. Pas comme ces filles dans les reportages : elles s'achètent des sacs haute-couture et des chaussures vertigineuses. Elle, elle a du mal à se payer des paquets de clopes et manger équilibré en même temps.

SFR fait rien de bizarre avec elle ; il a déjà demandé si elle voulait essayer par derrière ou avec quelqu'un d'autre. Elle préfère pas. Ils le font comme s'ils étaient ensemble. Je crois que ça la perturbe encore plus. Elle a du mal à se détacher de tout ça une fois qu'il la ramène près de chez elle. Comme lorsqu'à chaque fois, il lui demande si elle veut pas rester. “La chambre est payée jusqu'à demain.” Mais pas Someone.